RACKET Rapport sur le transport routier dans l’UEMOA

Les racketteurs en tenue officielle s’en donnent à cœur joie sur les tronçons routiers entre les différents pays de l’Afrique de l’Ouest.

RACKET Rapport sur le transport routier dans l’UEMOA : Les coûts élevés d’un voyage Dakar-Bamako

Par Mohamed GUEYE – Le Quotdien (Dakar) – 16-12-2009

Les racketteurs en tenue officielle s’en donnent à cœur joie sur les tronçons routiers entre les différents pays de l’Afrique de l’Ouest. Ceux qui sévissent dans le corridor Bamako-Dakar sont parmi les plus gourmands. L’Observatoire des pratiques anormales de l’Uemoa, les dénonce dans un rapport présenté hier à Dakar.

Le transport routier entre Dakar et Bamako n’est pas encore de tout repos. Les tracasseries sur le corridor coûtent un peu plus de 45 000 francs Cfa à chaque transporteur par voyage. Cela, compte non tenu du temps perdu pour les différents arrêts, que l’on peut chiffrer, sur ce tronçon, à 22 minutes tous les 100 km. Ces informations ont été livrées hier, à la Chambre de commerce, d’industrie et d’agriculture de Dakar (Cciad), lors de la publication du 9e rapport de l’Observatoire des pratiques anormales (Opa). Cette structure a été mise en place par l’Union économique et monétaire de l’Afrique de l’Ouest (Uemoa) et la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao), en partenariat technique et financier avec l’Agence américaine pour le développement international (Usaid) et le Centre ouest africain pour le commerce (Wath).

L’Opa a pour mission de contribuer à une bonne gouvernance routière sur les principaux axes routiers des pays de l’Afrique de l’Ouest. Il travaille depuis 2005 sur les axes reliant le port ghanéen de Tema à la ville de Ouagadougou, au Burkina, le port de Lomé, au Togo, à la capitale burkinabè, ainsi que celui reliant cette dernière ville à la métropole malienne, Bamako.

Certains participants à la cérémonie d’hier ont indiqué que les autorités sénégalaises ont compris l’intérêt d’inclure le corridor Bamako-Dakar à l’enquête de l’Opa, d’autant plus que c’est pour le Sénégal, «notre seule porte d’entrée au marché de l’Uemoa», comme le relevait Mor Talla Kane, le Directeur exécutif de la Confédération des employeurs du Sénégal (Cnes).

Les chiffres indiqués ci-haut portent sur le troisième trimestre de 2009, entre le 1er juillet et le 30 septembre, et incluent pour la première fois le trafic interrégional sénégalais. Néanmoins, l’agent du Wath, M. Amadou Ba, qui les présentait hier, les a jugés «encourageants», en ce sens que l’on a enregistré, par rapport aux enquêtes passées, une certaine réduction des tracasseries sur les tronçons concernés. Le rapport souligne que les perceptions illicites ont baissé de 3,71%, les postes de contrôle ont été réduits de 10,84%, tandis que le temps perdu a diminué de 22,28% par rapport au trimestre précédent, en ce qui concerne l’ensemble des postes contrôlés.

Le tronçon sénégalais le plus contrôlé

Il n’en reste pas moins que l’Opa relève que, «en ce qui concerne le nombre de points de contrôle, le corridor Bamako-Dakar est le plus dense, avec 37 arrêts par voyage, soit un ratio de 4 arrêts aux 100 km». Le document souligne que les contrôles les plus nombreux se trouvent du côté sénégalais, où l’on dénombre 26 barrages, contre 11 chez les Maliens. Et ces barrages sénégalais sont l’œuvre des gendarmes et des policiers, dans leur ensemble. La Douane pour sa part, s’est contentée de son unique poste à la frontière, ainsi que le prescrivent les règles de l’Uemoa.

La situation est d’ailleurs similaire de l’autre côté de la frontière, où la Gendarmerie sévit en nombre, suivie de la Police, ainsi que des «agents de perception de la taxe routière (qui rackettent la surcharge) et la Douane».

Une chose importante que  Amadou Ba a tenu à relever, est le caractère illégal de toutes ces perceptions. Il a indiqué que la structure communautaire ne travaille, dans ses enquêtes, qu’avec des transporteurs routiers en règle, dont les véhicules répondent aux normes. Ce qui fait des perceptions et des sollicitations dont ils sont victimes, de véritables abus. Sur ce point d’ailleurs, dans la période contrôlée, les Maliens se sont bien déchaînés, du côté de leur frontière avec le Burkina Faso. Le document indique que «le corridor Ouagadougou-Bamako et celui où le niveau (toujours élevé) des perceptions illicites est le plus important, avec 52 315 francs Cfa par voyage, soit 5 686 francs rackettés sur 100 km. Ce taux est essentiellement imputable au Mali qui, avec 40 050 francs Cfa par voyage (dont 10 105 francs rien que sur le contrôle de la surcharge), bat le triste record des perceptions les plus élevées par pays et par corridor au cours d’un voyage».

Méconnaissance des règles communautaires

On remarque que les contrôles de la charge à l’essieu sont le prétexte le plus utilisé pour racketter les transporteurs. Ce qui rejoint le cri du cœur d’un transporteur burkinabè, la semaine dernière, à Ouagadougou, au cours d’un forum organisé par l’Uemoa et le Centre de recherche pour le développement international (Crdi) du Canada, sur l’intégration sous-régionale et la lutte contre la pauvreté. Réagissant à une attaque contre sa corporation, jugée par certains participants comme voulant se complaire dans l’illégalité, notre homme s’est écrié : «Encore faudrait-il savoir à quelle réglementation se soumettre en la matière. Quand on passe une frontière, les normes de la charge à l’essieu changent. Ce qui est permis au Ghana devient surcharge au Niger, et les normes de ce pays ne sont pas acceptables au Burkina, qui de son côté, est en porte-à-faux avec le Mali !»

Ce qui démontre que le règlement n°14/2005/CM/Uemoa, qui harmonise les normes et les procédures de contrôle du gabarit, du poids et de la charge à l’essieu dans les pays membres, doit être vraiment vulgarisé. Combien sont les transporteurs de l’Uemoa, qui sont familiers avec les 11,5 tonnes de charge à l’essieu, pour 58 tonnes de charge totale à ne pas dépasser ? Tant qu’ils ne seront pas plus nombreux, la libre circulation des personnes et des biens sera toujours un problème.

Et des milliards de francs Cfa seront perdus, qui auraient pu servir à autre chose. Amadou Ba, pour montrer à quel point leur enquête est précise, a souligné que les perceptions illicites, entre le Mali et la Côte d’Ivoire, ont fait perdre 2,5 milliards de francs Cfa en un trimestre aux transporteurs. Et sur le tronçon Tema-Ouagadougou, ces rackets représentent 14% du coût total, légal et illégal, du transport des marchandises sur ce parcours. Qu’il faut s’attendre à voir les consommateurs payer, d’une manière ou d’une autre.

Partagez:

Plus de publications

RAPPORT ATELIER

Radios communautaires, information environnementale et effets des changements climatiques dans les zones de Joal –Fadiouth, Rufisque et Saint Louis

Médias pour un dialogue politique sur l’intégration régionale

Le projet médias pour un dialogue politique sur l’intégration régionale est le résultat d’un partenariat CRDI –MédiaDevAfrica qui prend son sens dans l’initiative du CRDI qui avait permis la mise en œuvre en 2004 du projet « analyse quantitative et économique de la pauvreté et traitement journalistique » qui reposait sur l’articulation entre chercheurs (ceux du MIMAP) et journalistes de l’Afrique de l’Ouest

Envoyez nous un Message